Ça quand même Maguy Marin me fait faire du Chemin
« Parce que nous sommes acteurs de théâtre et acteurs aux théâtres, parce que nos passions sont à la fois sur la scène et devant la scène, ici suivent des pensées d’acteurs (jeunes créateurs en « exercice ») et de critiques de théâtre (jeunes spectateurs en « exercice »).
par Julia Lacoste
Ce soir, Maguy Marin m’a arraché des larmes. Dans « ça, quand même » créé en 2004 à l’occasion du mouvement des intermittents, repris aujourd’hui dans le cadre du Festival d’automne au Théâtre de la Cité Universitaire, elle livre en duo sur scène avec Denis Mariotte, une réflexion sans fard sur l’artiste en création : les doutes, la pression face aux attentes de ceux qui financent le projet, sous-jacent toujours celles des spectateurs, la souffrance d’être placée dans un rapport marchand avec le public, une relation client/producteur où le client achète un produit (il veut voir de la « danse ») et n’a pas ce pour quoi il a payé.
L’incongruité d’avoir à rédiger une plaquette avant même d’avoir abordé le travail de recherche sur le plateau…et plus largement l’absurdité de la recherche d’un résultat dans la création…Comment et pourquoi créer si quelqu’un attend quelque chose de précis de nous, au vu au su de ce que nous avons déjà créé auparavant.
Questionnement en toute humilité sur ce qu’est un artiste, sur les rouages du processus de création –par où commence t-on?– où l’interprète enchaine les entrées/sorties plateau pour revenir vêtu côté pile de différentes parures costumées volontairement « en toc » (robe brodée, toge…) et laissant découvrir son dos dans la sortie plateau nous laisse constater que côté face derrière le costume il y a l’artiste, habillé tel qu’il est, le costume n’étant noué que sur l’avant de l’artiste, à la manière des poupées de papier que l’on vêtait à l’aide d’habits de papier en repliant des pattes sur l’arrière de leur corps.
Violence des silhouettes en papier cartonné, représentant à différentes échelles les photos de Maguy Marin et de Mariotte dans différents costumes, disposées sur le plateau et bousculées par une énorme soufflerie, reliées chacune à une longue ficelle blanche menant dans les coulisses tirées tout d’un coup pour sortir simultanément… Cette pièce interroge sans prétention la place de l’Art dans notre société : doit-il répondre à une attente ou offrir quelque chose de plus grand?
Nous avons souvent évoqué au LFTP la question de la nudité sur un plateau, et ce soir elle prenait tout son sens :
Oter tous ses vêtements un par un, face public quand on s’appelle Maguy Marin, ancienne danseuse au corps sublime chez Béjart, qu’on veut parler du don de soi tel qu’on est et non tel qu’on attend que l’on soit, fut-on grasse, vieillie, déformée, qu’on veut parler et vivre la Danse comme un Art, une recherche qui se prolonge au delà de l’âge d’or de la performance physique, comme une désolation de voir la plupart des danseuses « se recycler dans d’autres voies » ou se résigner à enseigner, cet acte simple prend, sans mot, une force incommensurable.
Non je ne saurais classifier où j’étais ce soir, Théâtre, Danse quelle importance (honte à ceux qui sont montés sur le plateau de Unwelt pour briser les accessoires disséminés sur le plateau en vociférant « vive le Ballet » pour stopper les représentations), car ce soir je m’endors toute retournée…
En Off durant les quarante minutes en choeur par les deux interprètes sur l’acte périlleux d’être là, ici et maintenant.
Rien n’est gratuit sur un plateau, nous l’entendons souvent au LFTP, pourtant tout doit sembler simple. Parfaite mise en pratique de la leçon ce soir…
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