Fugue – Samuel Achache collectif La Vie brève
« Parce que nous sommes acteurs de théâtre et acteurs aux théâtres, parce que nos passions sont à la fois sur la scène et devant la scène, ici suivent des pensées d’acteurs (jeunes créateurs en « exercice ») et de critiques de théâtre (jeunes spectateurs en « exercice») en formation au LFTP. »
Par Amandine Fluet
Nous voilà au pôle Sud, la scène est maculée de « neige », y avancer requiert beaucoup d’énergie, l’équipe d’explorateurs à la recherche d’un lac enseveli est emmitouflée, et la lumière est éclatante.
Le décor, une cahute emplie de bric-à-brac d’objets du quotidien et d’instruments de musique, est concentré à cour, donnant une impression d’espace vaste voire infini autour.
Le collectif La Vie Brève ne s’appuie pas sur un texte préétabli, mais transpose au théâtre le principe de composition de cette pièce musicale qu’est la fugue.
Samuel Achache, d’abord musicien avant d’entrer au conservatoire, poursuit ici la recherche entre la musique et le théâtre, commencée avec la création de Le Crocodile trompeur / Didon et Enée avec Jeanne Candel, d’après l’opéra de Purcell.
La fugue en musique est une forme d’écriture contrapuntique (système d’écriture musicale qui a pour objet la superposition de deux ou plusieurs lignes mélodiques) exploitant le principe de l’imitation. Le procédé est la fuite : le thème fuit d’une voix à l’autre.
Samuel Achache le précise : « des voix indépendantes forment un ensemble, chacune pourchasse l’autre qui prend la fuite devant elle ».
Ces voix indépendantes, ce sont six comédiens – musiciens, 5 hommes et une femme : Samuel Achache, Vladislav Galard, Anne-Lise Heimburger, Florent Hubert, Léo-Antonin Lutinier, Thibault Perriard.
La fugue telle que l’a léguée Bach, est en soi la résolution d’un problème de structure et de cohérence non résolu par les formes préexistantes. Sur scène, la fugue ne résout pas les dissonances avec les vivants, ni avec les morts. Il y est question d’amour, d’absence, de quête de sens, de communication entre les êtres…
Le burlesque et les situations incongrues entre ces diverses individualités – qui trouvent leur point d’orgue dans une scène délirante de natation dans une baignoire, avec un maillot de bain improvisé avec du sparadrap, du gaffeur plus exactement – sont relayés par des moments musicaux où l’accord est atteint.
Se mêlent violoncelle, batterie, piano, trompette, clarinette, guitare, et voix pour un répertoire emprunté au baroque, et arrangé par Florent Hubert, également comédien dans la pièce.
La musique prend le relais des paroles, souligne les gestes, comme dans cette scène où l’homme disparu, ancien amour de l’exploratrice, chante comme s’il était dans son corps, à elle.
Le collectif réussit à construire un îlot théâtral à plusieurs niveaux de lecture, exigeant dans sa structure, dans sa maîtrise des corps et musicalement, tout en enthousiasmant des enfants aux grands-parents.
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