Le Bal des Ardents – Bruno Geslin
« Parce que nous sommes acteurs de théâtre et acteurs aux théâtres, parce que nos passions sont à la fois sur la scène et devant la scène, ici suivent des pensées d’acteurs (jeunes créateurs en « exercice ») et de critiques de théâtre (jeunes spectateurs en « exercice ») en formation au LFTP. » Par Côme Leterrier
Le bal des ardents.
Songez quitter les cloisons de votre réalité, vous accèderez aux ruines encore fumantes d’un Théâtre du Globe, au lendemain du grand incendie de Londres.
Cinq ans après Chroma, récit crépusculaire bien que pop et coloré, adaptation de l’oeuvre autobiographique de Derek Jarman, Bruno Geslin poursuit cet hommage à l’artiste britannique et cinéaste majeur du siècle dernier dans Le bal des ardents.
Le bal des ardents ou le chantier préparatoire à Le feu, la fumée, le souffre.
En effet Le bal des ardents, soirée découpée en morceaux qui vient clôturer une semaine de résidence de la Cie La Grande Mêlée, est une forme hybride de représentation. À mi chemin entre la sortie de résidence et la représentation de spectacle pure et dure, cette forme hybride est une forme savoureuse comme on en fait peu – de plus en plus c’est vrai – encore trop peu. Le bal rêvé et orchestré par la Cie, masqué en ces temps gris, est chose riche pour le laborantin du LFTP.
Une performance, une fête, qui donne accès à l’étude, au vaste chantier préparatoire d’une création théâtrale. Ce voyage immersif revêt les traits d’un tournant dans le processus de création de la Cie. Car, il est l’endroit de la première réception par le spectateur, des mots arborés par la mise en scène, et il convient de retirer de cette confrontation quelques enseignements. Il s’agit alors de poursuivre le travail engagé, en réaction à cette première réception par le spectateur. Les mots créent l’imaginaire, laisser le temps et l’espace au spectateur pour recevoir ces mots, est chose nécessaire. Bruno Geslin et ses complices nous offrent cette liberté.
Vous entrez dans un ex-atelier électrique d’une société métallurgique par une petite porte. Une gigantesque nef de plus de mille mètres carrés s’offre à vous. Une énorme caisse de résonance aux trous d’air abyssales. Que la voix de l’acteur ne se perde pas et parvienne jusqu’au spectateur dans cet immense “théâtre” d’un soir, est une prouesse difficile à réaliser dans des vers élisabéthains. Claude Degliame réussi cet exercice.
Promptement, par une scénographie chargée et utile dans cet espace, vous comprenez que sous vos pieds se trouve l’enfer. Vous accédez à un théâtre de la démesure, où les formes explosent, où l’apaisement de la colère divine ne peut exister que dans la destruction et l’anéantissement de toute chose. Les corps abordent des états crépusculaires et/ou états de transe, ils réalisent des danses macabres sur de la musique électronique terriblement entraînante – le duo Mont Analogue oeuvre ici remarquablement.
Parce que ce chantier préparatoire existe en amont de Le feu, la fumée, le soufre, adaptation de Edouard II de Christopher Marlowe par Bruno Geslin; du fond de sa prison, Edouard II – King of England – convoque avant son assassinat les figures qui l’ont conduit à sa propre chute. Chaque rôle est le jouet de ses propres démons. Les corps s’extirpent du sol motivés par une envie du dire et du faire savoir. On aborde finement le corps, le désir et la sexualité dans la profondeur de l’espace mental, du champ de bataille ou du rite funéraire. Quitter votre réalité vous sera plus que suggéré, la machinerie assumée mise en place vous en obligera de manière remarquable.
Tout est grand. Le bal des Ardents est – plutôt devrais-je dire était et ne sera plus – une sortie de résidence flamboyante, un coagulum explosif d’extraits de l’adaptation de la tragédie Édouard II de Christopher Marlowe, d’un ciné-concert de The Angelic Conversation réalisé en 1985 par Derek Jarman à partir de sonnets de Shakespeare, d’un récital de poésie élisabéthaine et d’une performance de musique électronique chorégraphiée par Mont Analogue.
Le feu, la fumée, le soufre
À voir
du 08/01/2021 au 15/01/2021 : Théâtre de la Cité, Toulouse
le 28/01/2021 : Le Parvis – Scène nationale de Tarbes-Pyrénées
du 09/02/2021 au 10/02/2021 : L’archipel – Scène nationale de Perpignan
du 17/02/2021 au 18/02/2021 : Comédie de Caen, CDN de Normandie
du 24/02/2021 au 25/02/2021 : L’empreinte – Scène nationale de Brive-Tulle
du 09/03/2021 au 11/03/2021 : Le Tandem – Scène nationale de Arras-Douai
du 30/03/2021 au 01/04/2021 : Théâtre de Nîmes
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