Orphelins – Dennis Kelly
« Parce que nous sommes acteurs de théâtre et acteurs aux théâtres, parce que nos passions sont à la fois sur la scène et devant la scène, ici suivent des pensées d’acteurs (jeunes créateurs en « exercice ») et de critiques de théâtre (jeunes spectateurs en « exercice ») en formation au LFTP. » Par Antoine Demière.
Début octobre, au théâtre Monfort se jouait Orphelins, une pièce du dramaturge britannique Dennis Kelly, montée par un collectif rafraîchissant, La Cohue.
Pour cette dystopie réaliste sur fond de crise sociale, La Cohue opte pour une disposition trifrontale qui immerge le spectateur au coeur de l’action, au point qu’il en deviendrait presque voyeur malgré lui, découvrant les personnages comme pris au piège dans ce huis clos glacial.
Pour en finir avec les vieux codes du théâtre, La Cohue s’efforce de les remettre en question, notamment en faisant tomber le quatrième mur. Ils établissent avec brio un rapport en interaction avec les spectateurs. Car, ils savent utiliser l’énergie d’un public (même masqué) à leur avantage : Liam se sert d’une spectatrice pour nourrir son récit, Helen est contrariée et elle s’offense des spectateurs (comme moi) qui prennent notes de la situation.
J’ai aimé découvrir dans quelle mesure le public peut devenir un motif de jeu puissant, sur lequel peut s’appuyer l’acteur pour nourrir le rôle.
La scénographie est très simple, une table, deux chaise, on est dans la cuisine du couple. Les espaces sont très clairs : Un récitant, une coulisse à vue, une cuisine.
Ils ont décidé de jouer carte sur table, de tout montrer. Le récitant nous explique certaines didascalies et établi ainsi la convention qui superpose la réalité du théâtre (ici et maintenant) à celle du récit (chez Helen et Danny). Ils optent également pour des coulisses à vue, tout les changements de costumes se feront devant le public. Et tout les effets de théâtre : sang, larmes, lumières, captations sonores sont pleinement assumées et mis en place ouvertement. Ce qui d’habitude reste caché aux yeux des spectateurs, nous est révélé et c’est parce qu’ils instaurent ce rapport d’honnêteté qu’on a envie de faire chemin vers eux et de nous laisser prendre par leur histoire.
Martin Legros, acteur et metteur en scène, expliquait en sortant de scène que le métathéâtre était pour eux le moyen de donner du recul et de créer une distance entre le public et les situations oppressantes du récit. Comme la convention du théâtre est signifiée, ils peuvent se donner pleinement dans cette rude réalité dystopique de l’auteur.
Le LFTP nous permet d’expérimenter de nouvelles formes avec peu de moyens mais beaucoup d’imagination. J’ai l’habitude d’intégrer beaucoup de technique (son, lumière, vidéo) dans mes créations plateau, mais le plus souvent j’essaie de le faire de façon discrète voire dissimulée. Ce spectacle aura changé mon point de vue sur cette question et depuis, je cherche à assumer pleinement les moyens de théâtre que j’utilise.
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