À L’OUEST – COLLECTIF BAJOUR – Mise en scène Leslie Bernard et Matthias Jacquin
« Parce que nous sommes acteurs de théâtre et acteurs aux théâtres, parce que nos passions sont à la fois sur la scène et devant la scène, ici suivent des pensées d’acteurs (jeunes créateurs en « exercice ») et de critiques de théâtre (jeunes spectateurs en « exercice») en formation au LFTP. » Par Frédéric Costes.
Que faire de notre héritage? D’un passé qui nous hante? Faut-il brûler la maison familiale, la quitter définitivement pour partir construire autre chose ailleurs? Se libérer ? Ou la conserver coûte que coûte? Comment se reconstruire après un deuil ? Quelle importance donner aux liens du sang ?
Voilà les grandes questions que le collectif Bajour nous fait traverser durant une heure et demie dans leur dernière création, au travers d’un drame familial comique, très proche des enjeux de La Cerisaie d’Anton Tchekhov.
En effet, on y découvre l’histoire de jeunes gens d’une même famille ayant décidé de retourner vivre dans leur maison d’enfance. Cette vie en communauté semble se passer assez simplement pour tous, malgré une banalité du quotidien qui nous est donnée à voir au début du spectacle, frôlant l’ennui. Puis arrive un nouveau protagoniste, un voisin, qui nous confesse ne pas avoir de famille, lui, ni de lien avec son passé. Et c’est dans un rapport très proche du public que le spectacle est lancé, nous invitant à être spectateurs actifs et concernés de ce qui va se dérouler au plateau.
A partir de là le spectacle prend une tournure comique grâce à un travail collectif très bien orchestré.
En effet le collectif Bajour est dans une démarche d’écriture plateau collective nécessitant une grande cohésion de groupe. Travaillant à partir d’improvisations, ils fixent la narrations et leurs différents rendez-vous au sein des scènes, mais se laissent une marge d’imprévu durant la représentation afin d’être sans cesse au présent, entre eux et avec le public. En ressort un jeu et un maniement de la langue généreux, drôle et sans prétention.
Comme à leur habitude, si le collectif manie si bien l’humour c’est pour mieux faire ressortir le drame sous-jacent de leur création, finalement objet principal. Car il est avant tout question de morts, de perte, de deuil, d’amour empêché, de fantômes. On est donc parfois pris par l’émotion que parviennent à nous transmettre les acteurs et actrices sur le plateau.
D’autant plus qu’on est pris de court par une trame narrative qui se dédouble entre réminiscences du passé et présent. Un beau travail de poésie est mis en œuvre pour nous faire réfléchir sur les liens entre les différentes temporalités comme avec la symbolique d’un enregistreur de son qu’utilise un des personnages afin de figer les paroles des autres personnages, et les conserver dans des cassettes. Et surtout par la juxtaposition du monde des morts et celui des vivants, avec des effets très bien amenés, presque un travail de théâtre illusionniste.
Cette complexité narrative et ce travail sur le symbole et l’illusion est mis en œuvre très efficacement par une série de systèmes plateau, principalement par une régie son et lumière précise et recherchée qui nous transporte et nous émerveille. Mais aussi dans un premier temps du fait d’une scénographie simple et épurée, complètement au service des acteurs et de l’histoire.
Mais tout ceci n’est pas étonnant puisque le collectif n’en est pas à son premier coup d’essai, et il m’avait déjà impressionné par cette qualité de jeu, cette créativité et cette recherche tant sur l’entrelacement de la narration que celle de la mise en scène, dans leur dernière création L’île au festival d’Avignon en 2021. Un travail inspirant, pour le jeune acteur-créateur en formation que je suis, dont “Ensemble” est le maître mot.
Crédit photo : Loewen Photographie
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