Résistance des corps
« Il y avait un des corps au cinéma avant le cinéma des corps comme il y avait un cinéma intellectuel (Eisenstein) avant le cinéma du cerveau (Resnais).
Ce qui change le rapport au corps dans le cinéma moderne c’est que le corps est filmé avant sa mise en action pour résoudre une situation, qu’il est filmé comme un corps qui résiste.
« Donnez moi donc un corps » : c’est la formule du renversement philosophique. Le corps n’est plus l’obstacle qui sépare la pensée d’elle-même, ce qu’elle doit surmonter pour arriver à penser. C’est au contraire ce dans quoi elle plonge ou doit plonger pour atteindre à l’impensé, c’est à dire à la vie. Non pas que le corps pense, mais obstiné, têtu, il force à penser, et force à penser ce qui se dérobe à la pensée c’est à dire la vie.
Les catégories de la vie, ce sont précisément les attitudes du corps. « Nous ne savons même pas ce que peut un corps : dans son sommeil, dans son ivresse, dans ses efforts et ses resistances. Le corps n’est jamais au présent, il contient l’avant et l’après, la fatigue, l’attente. La fatigue, l’attente, même le désespoir sont des attitudes du corps ».
Le cinéma des corps s’oppose à l’image-action. Celle-ci suppose un espace dans lequel se distribuent les fins, les obstacles, les moyens, les subordinations, le principal et le secondaire. Le corps est pris dans un autre espace, où les ensembles disparates se recouvrent et rivalisent sans pouvoir s’organiser suivant des shemes sensori-moteurs. Ils s’appliquent l’un sur l’autre, dans un chevauchement des perspectives, qui fait qu’il n’y a pas moyen de les discerner bien qu’ils soient distincts et même incompatibles. C’est l’espace d’avant l’action, toujours hanté par un enfant ou un pitre, ou par les deux à la fois. »
http://www.cineclubdecaen.com/analyse/histoire11corps.htm
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