The ventriloquists Convention – Gisèle Vienne, Dennis Cooper et Puppentheater Halle
« Parce que nous sommes acteurs de théâtre et acteurs aux théâtres, parce que nos passions sont à la fois sur la scène et devant la scène, ici suivent des pensées d’acteurs (jeunes créateurs en « exercice ») et de critiques de théâtre (jeunes spectateurs en « exercice») en formation au LFTP. »
Par Maud Buckenmeyer
The Ventriloquists Convention par Gisèle Vienne est une reproduction fictive de la grande rencontre annuelle des ventriloques dans le Kentucky (USA).
Cette pièce peut paraître étonnante parmi l’ensemble des créations de Gisèle Vienne, créatrice franco-autrichienne à la fois chorégraphe, metteuse en scène, plasticienne mêlant la création de marionnettes, et dont l’univers aborde très souvent des sujets tels que la mort, le suicide ou l’étrangeté de comportements sexuels. Sauf qu’ici, au sein même d’une scénographie minimaliste et statique sous une unique lumière blanche durant tout le long, espace recréant la salle de rencontre de cette convention, l’artiste parvient à suggérer des interrogations déroutantes.
Ainsi, sur le plateau où sont réunies des personnes faisant réellement partie du Puppentheater Halle, les liens entre les artistes ventriloques et marionnettistes, les personnages qu’ils incarnent, et les marionnettes elles-mêmes, sont très étroits. En effet ces artistes présentent des petites performances, accompagnées de leur marionnettes. Rien que leur présence sur scène suscite l’interrogation quant à la frontière avec la fiction, peut-on alors parler de personnages (Uta Gebert, marionnettiste allemande de la Numen Company est présente comme telle) ?
Toujours est-il qu’ils sont également réunis pour discuter autour de leur profession, narrer leurs expériences personnelles (le texte est écrit par Dennis Cooper en collaboration avec les artistes) et présenter des performances, accompagnés de leurs marionnettes. Elles-mêmes deviennent objet de questionnement, car elles apparaissent comme des êtres indépendants du fait que leur parole est exprimé en ventriloquie. Différents rapports s’entremêlent et suscitent une sorte de vertige ; d’une part ces objets sont manipulés avec dextérité et alors l’assemblée applaudit le manipulateur ventriloque, mais aussi ils ont leur propre organicité, et de là elle s’extasie devant eux.
Au sein de ce vertige est mis en relief la relation intensément physique qui lie l’artiste à son objet. La notion de nécessité en découle, nécessité pour l’artiste qui témoigne, de conjurer une forme de solitude, ainsi que nécessité physique ; c’est le corps qui parle. Autour de ces neuf ventriloques et de leurs marionnettes, de leurs paroles qui se dissocient de leurs corps, et qu’ils ne contrôlent parfois plus du tout et dont le public ne sait plus trop comment distinguer qui parle, l’atmosphère peut prendre un tournant frénétique puis s’immobiliser avec tension en « tableaux », où l’émotion peut être exprimée mais également interrogée.
Gisèle Vienne, en rassemblant une telle assemblée de ventriloques sur un plateau, tend à nous plonger au cœur d’un dérèglement et d’une fureur identitaire, et également au sein d’une réflexion sur cet art lui-même.
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