A floresta que anda – Christiane Jatahy
« Parce que nous sommes acteurs de théâtre et acteurs aux théâtres, parce que nos passions sont à la fois sur la scène et devant la scène, ici suivent des pensées d’acteurs (jeunes créateurs en « exercice ») et de critiques de théâtre (jeunes spectateurs en « exercice») en formation au LFTP. »
Par Elsa Toro
Après « Julia » (d’après mademoiselle julie de Strindberg) en 2014 au 104 et « What if they went to Moscow » l’an dernier à la Colline, Christiane Jatahy clôt sa trilogie avec cette échapée dans l’univers de MacBeth.
Conçu comme un vernissage d’art contemporain, le public est invité à déambuler entre les installations vidéos donnant la parole à de jeunes brésiliens victimes de violences policières et y croise Julia Bernat la comédienne fétiche de Jatahy, très jeune Lady macbeth qui semble déjà aux prises avec la folie.
Le public, par le biais d’un système d’oreillettes distribuées au hasard, est invité à participer, à choisir de devenir lui aussi acteur de la performance : autour du bar se jouent des scènes légèrement en décalage avec la réalité, que le regard interrogateur du public rend d’autant plus étranges et singulières, évoquant le banquet où Macbeth perd la raison devant ses convives.
Puis l’espace se transforme, les panneaux vidéos tournent et marchent sur nous, comme les arbres de la prophétie, dans une sorte de délitement du présent et de la réalité, les bruits et voix sont amplifiés et se répondent dans un écho troublant pour nous faire tomber peu à peu dans la réalité cauchemardesque de Lady macbeth. L’espace se réduit, les points de vue aussi, avec la vidéo qui nous invite à des retours en arrière sur les évènements qui viennent de se produire dans le spectacle et sur le public-acteur effectuant ses actions. Les frontières entre réalité et imaginaire se brouillent et l’ambiance calfeutrée du vernissage fait place à un univers inquiétant et sombre.
Le public devient alors complice de l’ascension de Macbeth et nous questionne sur notre propre capacité à fermer les yeux, à valider l’invalidable et à être complice passif, par le troublant biais entre notre statut de spectateur, d’observateur inactif et celui de la voix dans l’oreillette, qui nous invite à agir dans le sens du spectacle, contrôlant nos mouvements comme on contrôle une marionnette.
Jatahy nous offre également un message final, sorte de morale comme dans les contes, où elle nous exhorte à agir, à rassembler nos forces pour devenir tous ensemble cette improbable « forêt qui marche » et faire bouger le monde.
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