Concert de Magma à l’Olympia
« Parce que nous sommes acteurs de théâtre et acteurs aux théâtres, parce que nos passions sont à la fois sur la scène et devant la scène, ici suivent des pensées d’acteurs (jeunes créateurs en « exercice ») et de critiques de théâtre (jeunes spectateurs en « exercice») en formation au LFTP. »
Par Camille Jouannest
Fondé en 1969, le groupe Magma fêtait ses 48 ans de carrière à l’Olympia (le 2 et 3 février 2017), accompagné par le Mëtalïk Orkestraah, une formation de trente musiciens de l’école de Didier Lockwood (anciennement violoniste de Magma) et du Pôle supérieur de musique de Paris.
La longue carrière du groupe s’explique notamment aussi grâce à un propos, une vision très marquée du groupe, mené par son puissant leader Chrisitian Vander. Il est vecteur d’une philosophie et d’un imaginaire absolu troublant et fascinant. La grande particularité du groupe est l’invention de leur propre langage, leur propre langue chantée : le kobaïen (à sonorité gutturale, assez proche dans les sonorités, de la langue germanique). Magma invente son style musical : la « Zeuhl », matériau spirituel en vibration, qui aurait mémorisé tous les sons et tout ce que l’on peut capter ou concevoir dans l’esprit humain. « L’ensemble des musiciens, dont les premières répétitions sont qualifiées par certains observateurs de para-militaires, chante la légende d’esprits éclairés qui, constatant la faillite du système terrestre, décident de s’installer, avec toutes les bonnes volontés, sur une lointaine planète, Kobaïa». (Les inrocks). Ce principe de destruction créatrice prendrait source des théories du philosophe Friedrich Nietzsche. Vander, créateur radical, fut d’ailleurs souvent montré du doigt comme gourou, prônant une idéologie sectaire voire fasciste. Le groupe divise, ce qui crée autour du groupe une image mystique et incomparable. C’était la seconde fois que je les voyais en concert (quant à mon père- adepte du groupe- qui m’a fait découvrir, a dû les voir une vingtaine de fois !) et pendant 2 heures tout notre être est consacré seulement à la musique, on oublie le temps qui passe, on oublie le dehors. » Il y avait le voyage intersidéral, partir de la Terre et de son enfer pour aller au ciel, avec tout de même l’idée de la destruction de la terre », raconte Klaus Blasquiz, un des anciens chanteurs du groupe.
Les sonorités et le style qui mélangent jazz, rock progressif et métal constituent une musique incantatoire, spirituelle et puissante. Le créateur Christian Vander, reconnu comme un des grands des maîtres de la batterie, aussi en alternance au chant, représente la force brutale, animale et sauvage mais aussi la pureté, l’éclat et la puissance vocale. Les musiciens (formé par batterie, clavier, guitare, cuivre…) sont prodigieux, d’une technicité remarquable, en symbiose totale avec leur instrument et avec l’ensemble des musiciens en scène. Ceux qui forment les chanteurs et chanteuses du groupes sont tous d’excellents techniciens, ayant une maîtrise parfaite de leurs cordes vocales, ils sont capables de passer d’une voix extrêmement grave à des notes très aigues, on passe de sonorités apaisées et planantes à des rythmes puissants, emportés proches de la transe.
La musique du groupe est une traversée poétique et épique. Les morceaux du groupe durent en moyenne un quart d’heure ! Chaque morceau est un embarquement dans un nouveau voyage. On sort d’un concert de Magma rempli de bonnes énergies et on se sent léger et planant. La musique est jubilatoire et orgasmique.
Les introductions en boucles répétitives prennent leur temps, saisissent entièrement tous les sens et arrive le moment où tout décolle et on s’envole avec un rythme massif et sans faille des instruments et du chœur incantatoire.
Christian Vander est un pur exemple d’artiste radical, engagé totalement dans son art, exemple profond d’inspiration, artiste d’une organicité inqualifiable. C’est un groupe qui m’a accompagnée depuis mon enfance et qui continuera de m’accompagner et de m’inspirer pour la suite de ma vie artistique et humaine.
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