Le Musée Rodin
« Parce que nous sommes acteurs de théâtre et acteurs aux théâtres, parce que nos passions sont à la fois sur la scène et devant la scène, ici suivent des pensées d’acteurs (jeunes créateurs en « exercice ») et de critiques de théâtre (jeunes spectateurs en « exercice ») en formation au LFTP. » par Maylis Schio.
C’est au 77 rue de Varenne, dans le 7ème arrondissement de Paris, proche de l’Hôtel desInvalides, que se trouve le Musée Rodin.
Pour l’histoire, le musée Rodin conserve depuis 1919 certaines œuvres d’Auguste Rodin, qu’il se partage avec la villa des Brillants à Meudon : «L’établissement conserve une collection composée de près de 6800 sculptures, 8000 dessins, 10000 photographies anciennes et 8000 autres objets d’art » autant d’œuvres que vous n’aurez pas le temps d’apprécier, déjà par ces chiffres à vomir de la peinture, et règlementations sanitaires exigent. (source : WIKIPEDIA)
Le musée est divisé en deux parties : l’Hôtel Biron et le Jardin.
Ce qui m’a intéressé ici n’est pas que le Musée Rodin soit un beau musée, où la visite se trouve très agréable puisque les sculptures sont positionnées de part et d’autre de l’Hôtel de manière à ce que la lumière, dans de belles journées ensoleillées, éclaire ses œuvres de façon intelligente pour que le.a client.e soit époustouflé.e par la technique de Rodin qui, même en étant totalement étranger.e à ses œuvres, nous parvient dès l’instant où l’on pose le regard sur une de ses œuvres. Pour ne citer qu’un exemple parmi tant d’autres, « La Danaïde » où « Rodin construisit avant tout un paysage féminin, en mettant en valeur la ligne du dos et de la nuque de la Danaïde » (musée-rodin.fr), gravée dans le marbre, ou encore « LES TROIS OMBRES », qui orne la « PORTE DES ENFERS », où se situe « LE PENSEUR » qui est aussi présent dans tout le musée, évidemment, dans toutes les tailles, toutes les matières possibles, en carte postale ET SURTOUT, en porte-clef à la fin de votre somptueux parcours dans la boutique-souvenir du musée, qui est surtout consacrée aux œuvres de Camille Claudel.
Donc, oui, ce qui m’intéresse ici, c’est plutôt ce qui entoure toute cette beauté, et qui rend le musée plus rentable, visitable et commercial.
En premier lieu, avant de découvrir les premières œuvres de Rodin situées dans l’Hôtel, on découvre une salle où le centre d’attention n’est autre que deux télévisions posées sur le mur et qui est la salle qui, malheureusement, attire le plus de monde, jardin et Hôtel confondu.
Bernard Stiegler raconte : « La télévision captant son attention pour en faire du « temps de cerveau disponible » qui le rend en réalité indisponible aux autres, au monde et aux œuvres qu’il regarde comme des produits : la captation de son attention détruit cette attention, le détourne des objets de son désir, et transforme ce désir lui-même en addiction. ». (Un grand entretien avec Bernard Stiegler : « Le rôle de l’art ? Produire du discernement ! » par Jean-Christophe Castelain · L’ŒIL, LeJournalDesArts.Fr, 16/02/2011)
Installer une télévision au début d’une visite d’un musée, ne permet pas la disponibilité à recevoir ce que les œuvres nous offrent, c’est donc aberrant de commencer cette visite par deux écrans-plats.
La deuxième chose, c’est qu’au fur et à mesure de la visite, se rajoute dans les salles et autour des chefs-d’œuvre de Rodin, des pièces inachevées, des esquisses, des brouillons qui font partie des 6800 sculptures énoncées. Elles remplissent la salle, la comblent, comme on comblerait une pièce avec des effets de lumière vulgaires et de la fumée inutile. Ce sont généralement de toutes petites sculptures, les prémices de grands chefs-d’œuvre, pour apprécier et s’imaginer le parcours entre le début du travail et le résultat final, mais elles finissent par prendre de plus en plus de place, et accaparer une pièce à elles toutes seules. Les œuvres d’art disparaissent au profit de tout ce qu’à pu toucher ou fabriquer « vite-fait » Auguste Rodin entre deux repas. Il faut faire commerce de tout, pour que la visite soit la plus copieuse possible, pour se vanter à la sortie d’avoir vu 6800 sculptures de Rodin, l’unique.
Donc, on avance, on suit les flèches indiquées au sol, et on respecte les consignes énoncées pas les conservateurs et conservatrices de patrimoine qui nous demande de « ne pas être trop nombreux par salle, mais surtout d’avancer car nous sommes pressés. »
« Il est affligeant de constater qu’un visiteur du Louvre consacre en moyenne 42 secondes à chaque œuvre : c’est du zapping. Le rapport aux œuvres devient de plus en plus quantitatif, et les grands musées se focalisent sur leur fréquentation. Ce consumérisme est à l’opposé de cette relation éminemment qualitative et intime qu’un amateur d’art entretient avec les œuvres. » (Un grand entretien avec Bernard Stiegler : « Le rôle de l’art ? Produire du discernement ! » par Jean-Christophe Castelain · L’ŒIL, LeJournalDesArts.Fr, 16/02/2011)
En tant qu’élève au LFTP, nous parlons très souvent de la place de l’art aujourd’hui et ce qu’elle sera demain, lorsque nous sortirons de l’école, et de ce que nous voudrions faire en trouvant des « formes nouvelles ». La crise actuelle, qu’elle soit sanitaire, économique et libertaire, ne fait que renforcer la question de la place de l’art dans notre société et l’utilité de celui-ci.
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