THE SILENCE – FALK RICHTER
« Parce que nous sommes acteurs de théâtre et acteurs aux théâtres, parce que nos passions sont à la fois sur la scène et devant la scène, ici suivent des pensées d’acteurs (jeunes créateurs en ¨exercice¨) et de critiques de théâtre (jeunes spectateurs en ¨exercice¨) en formation au LFTP. » – Par Daphné Papadopoulos.
Crédit photographique : Jean Louis Fernandez
Du 21 octobre au 6 novembre 2022 se jouait à la MC93 la nouvelle création de Falk Richter, The Silence. Un spectacle inspiré de la vie de Falk Richter où il cherche à parler de tout ce qui a été passé sous silence pendant son enfance. Une histoire de traumatismes, de choc intergénérationnel, de guerre qui donne envie de se réconcilier avec sa famille, ou bien d’accepter que les choses ne changeront plus, malgré nos efforts de dialogue. Le trauma familial est une source inépuisable d’inspiration. Ici le metteur en scène décide de se servir de son art pour exposer tout ce que ses parents, et en particulier sa mère, passent sous silence depuis toujours.
« Un acteur (artiste) doit partir de soi », ce spectacle en est l’exemple parfait. Falk Richter part de son enfance, des évenements « peu originaux » qu’il a traversé. Son enfance n’a rien de spécial, pour ainsi dire. Il a souffert de traumatismes familiaux, comme beaucoup; il s’est fait frapper par son père, comme beaucoup; il était un adolescent homosexuel qui s’est fait tabasser par des homophobes dans la rue. Mais alors, puisqu’on connaît si bien cette histoire, qu’on l’ai vécue ou entendue, qu’est ce qui réussit quand même à capter notre attention, à nous toucher ? C’est là qu’entrent en jeu les capacités de metteur en scène, de créateur et compteur d’histoires. L’enfance de Falk Richter n’est qu’un point de départ, une excuse pour faire entendre des enjeux bien plus grands. L’acteur, Stanislas Nordey, seul sur scène, incarne Falk Richter et parle de lui à la première personne, ce qui nous donne l’impression qu’il se confie. On l’écoute donc avec intérêt et compassion, on le croit et il nous touche. Pour cette création, le metteur en scène a filmé les conversations qu’il a eu avec avec sa mère sur tous les sujets “tabou” de leur famille. Les projections de ces interviews rendent plus réaliste l’histoire racontée par Stanislas Nordey et donnent cet effet « d’histoire vraie ». Ces moments sont très touchants car chargés de sentiments réels. On sent la tension, le malaise de sa mère à entendre son fils dire qu’il a eu une enfance malheureuse, les désaccords et petites disputes qui naissent, les souvenirs tellement différents nés pourtant d’une même situation. C’est ce qui attire notre attention, le conflit. Pour faire du théâtre il faut un conflit. Et dans ce cas Falk Richter est en plein dedans. On suit la pièce avec attention en attendant, en rêvant (peut-être) du moment où sa mère avouera qu’elle a ignoré les sentiments de ses enfants et qu’elle est désolée. Mais le metteur en scène décide de rester fidèle à la réalité sur ce point, il a réussi à briser le silence mais n’aura pas de “fin heureuse”. Cette proximité avec la réalité rend la dernière partie du spectacle d’autant plus crédible. En effet, après avoir raconté les péripéties de son enfance, le metteur en scène nous emporte dans une fiction, une réalité parallèle, un autre possible pour clôturer l’histoire qui en réalité continue. La scénographie reflète bien ce mélange entre réalité et fiction. Au plateau, un jardin fictif : un arbre, un muret en briques et une étrange herbe ou mousse violette recouvre une partie du sol. Entre ces éléments de décors indiquant un extérieur, on retrouve un bureau, des tas de papier et des livres, un espace qui pourrait être le bureau de Falk Richter.
Crédit photographique : Jean Louis Fernandez
C’est un spectacle qui a sûrement permis au metteur en scène de lâcher prise sur certains traumas d’enfance et qui surtout permet au spectateur de faire de même. Falk Richter vit pour nous, on est apaisés une fois qu’il a parlé à sa mère et qu’on comprend que rien ne changera, c’est un peu comme si nous aussi on avait parlé à nos mères à ce moment-là. Il rêve à notre place et on se laisse emporter.
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